alain rouschmeyer | artiste peintre contemporain

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Côte à côte

L’inconnu au ballon de rouge qui était assis là, à quelques mètres de moi,  sur la terrasse d’une auberge de village semblait attendre quelqu’un ou quelque chose,  et peut-être les deux. Cela faisait un moment qu’il alternait un regard sur la ruelle de ce village, une gorgée de vin et l’écran de son smartphone. Son allure et sa posture en disait long sur les interrogations qui devaient fourmiller dans son esprit.

Il se leva avec son ballon de rouge achevé et se dirigea vers la salle de l’auberge. Il en ressortit quelques minutes plus tard les mains libres, comme s’il avait souhaité effacer dans un moment de doute une sorte de trace qui aurait pu perturber l’image de lui. Le franchissement de la porte de l’auberge avait laissé,  le temps d’un instant,  entendre le brouhaha et le vacarme des discussions de comptoir,  qui filtraient malgré tout à l’extérieur au travers d’une fenêtre entrouverte. 

Il était 18 heures 45,  il avait repris sa place sur cette extrémité de banc élimé, l’air songeur et les mains posées sur ses genoux. Allait-il se lever et partir ? allait-il se lever et chercher un autre verre? ou tout simplement garder cette pose conforme à une posture de salle d’attente. Il regarda un instant son écran de téléphone et s’attarda longuement sur une partie qu’il venait de faire défiler comme pour s’assurer et se confirmer l’exactitude d’un rendez-vous. 

Il releva la tête et observa la ruelle. Son regard restait figé comme s’il distinguait au loin la venue de la personne attendue. Il se leva et se positionna face à la ruelle. Quelques instants après une dame à l’allure vive et simple lui faisait face et échangea quelques mots avec lui. D’un geste un peu flou il invita cette personne à se rendre à l’intérieur de l’auberge. Elle le précéda avec cette même allure vive qu’elle avait eu en arrivant et comme précédemment l’ouverture de la porte de l’auberge fit prendre part à cette atmosphère bruyante toute particulière de ces auberges de village.

Quelques minutes plus tard,  le couple ressortait de l’auberge avec chacun un verre de blanc à la main. Ils prirent place côte à côte sur le même banc élimé qui l’avait accueillis durant son attente. Ils s’assirent de concert et avec une posture synchronisée chacun avait contribué à mettre entre eux la distance respectable qu’offrait ce banc. Le petit coussin bleu ciel avait disparu sous la veste et le tricot de chacun d’eux,  donnant ainsi l’illusion à ce banc de les avoir rapprochés.

18 h 53,  ils étaient assis côte à côte sur le banc élimé adossé à l’auberge,  très fréquentée en cette belle soirée d’été. Le bruit qui s’échappait de la porte à présent ouverte avait anéanti le romantisme de cette rencontre qu’il avait attendue avec impatience et maintes fois imaginée. La liste de sujets à évoquer avait laissé place à une observation silencieuse de l’environnement proche. Seuls les deux verres de blanc pouvaient laisser supposer qu’ils avaient peut-être un goût en commun…

Je profitais de cette belle soirée d’été et j’avais pu observer durant cette pause cette histoire à deux temps. Le croquis précédent laissa place à un second qui une fois de retour à mon atelier m’invitait à travailler ces deux croquis comme une histoire à intégrer dans un diptyque. Le vin étant le trait d’union de ce travail ou la posture et la temporalité prenait tant de choses en compte.

Le second croquis m’inspira l’oeuvre que je vous invite à découvrir ici sans tarder. Elle valorise la posture de l’oeuvre précédente comme la suite d’une valse à deux temps.