alain rouschmeyer | artiste peintre contemporain

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Etat de lieux

Je pense que vous avez déjà du rencontrer cette situation où un proche de ta famille te lègue un bien immobilier. Ravi, surpris ou décontenancé, vous sentez se mettre en place une série d’émotions qui vous envahissent et font appel aux souvenirs teintés d’une certaine amertume. Cet espace,  s’il a fait partie de votre chemin de vie, va vous renvoyer vers l’album d’images de votre enfance et immanquablement vous projeter dans une atmosphère du passé. 

C’est aussi l’occasion de réintégrer des personnes proches dans un univers plus ou moins lointain dont la coloration était différente. Parfois vous retrouvez ce lieu bien des années après l’avoir déserté par manque de temps ou simplement parce que le temps a marqué son empreinte en cassant la routine de s’y retrouver. Souvent ce lieu a accumulé au fil du temps une sagesse qui lui est propre, avec ses codes couleurs et son décalage visuel un peu suranné. 

Passé le moment nostalgique des souvenirs,  le choix de le conserver,  de le partager ou de le revendre prend alors une place considérable dans votre esprit et s’impose comme une tâche primordiale et à laquelle il est nécessaire de porter un choix qui puisse pleinement vous convenir sans aucune ombre de regret. Ce choix est parfois bien délicat ou difficile lorsque ce bien est le fruit d’un héritage à plusieurs. 

L’historique du lieu,  l’attachement des uns et des autres à celui-ci,  les intentions sur ce dernier sont si souvent des postures qui s’opposent avec des intérêts différents. Souvent la finalité d’une telle situation est de mettre le bien en vente,  permettant ainsi de neutraliser l’effet partage,  avec tous les compromis que cela impose. Cette situation arrive très souvent et elle permet de redéfinir de nouvelles orientations à chacun. 

Parfois pour valider ce choix très difficile, il est souhaitable de revoir le bien,  de faire une ultime visite du lieu en superposant les souvenirs et les singularités de l’état actuel comme des calques émotionnels. Au fil de la balade le choix final s’imprègne comme une trace indélébile et la décision final apparait alors comme une évidence. 

J’ai eu récemment l’opportunité de découvrir une maison de village qui a fait l’objet de nombreuses interrogations et dont le premier choix fut de la vendre. A la veille de la vente, les enfants héritiers ont réalisés un dernière visite comme pour essayer d’y enfouir toutes les traces de nostalgie, pensant ainsi refermer un des albums photos familiale. La salle de bains de l’étage, qui avait gardé son authenticité a été, l’espace de quelques instants, le révélateur d’une nouvelle posture. Le choix s’imposait en éliminant d’une manière magistrale la nécessité de vendre cette petite maison de village,  interrompant sans délai toutes les procédures en cours. 

L’aspect traversant de la maison baignée d’une lumière douce et végétale en provenance du jardin, les éléments tout en rondeur de cette salle de bains, le parquet vieilli et craquant en chêne, le tout mêlé en surimpression aux cris d’enfants des vacances scolaires d’autrefois ont fini par affirmer cette décision aussi surprenante que soudaine. 

Lorsque j’ai découvert cette maison, quelques mois après la décision de la conserver, de nouvelles intentions avaient pris place dans l’esprit de la propriétaire qui me faisait découvrir les lieux tout en m’évoquant les différentes superposition d’images qu’elle avait pu vivre lors de sa dernière visite. C’est ainsi que je découvrais la salle de bains ou du moins ce qu’il en restait car l’intention de rénover cette maison avait pris corps dans l’esprit des héritiers. L’historique de cette pièce d’eau aux colorations surannées et aux appareillages presque laborantins m’ont projeté dans cet univers décalé dont seul le temps sait en rappeler les espaces. 

La baignoire avait déjà été retirée mais la robinetterie restait là fixé au mur comme pour parfaitement en indiquer l’emplacement,  le lavabo blanc flanqué de ses deux robinets relevait le défi de la rénovation en cours comme pour marquer son territoire. Au dessus du lavabo,  l’emplacement d’un miroir déjà décroché laissait apparaitre les initiales d’un amour passionné alors que quelques centimètres plus loin le clou oxydé et solitaire supportait le masque chirurgical de rigueur en cette période sanitaire un peu complexe. De part et d’autre de ces éléments qui symbolisaient la salle de bains,  la trace des anciennes cloisons de briques permettait de définir l’espace de cette pièce. 

Pour que vous puissiez vous aussi vous plonger dans cet univers décalé,  découvrez cette oeuvre et poussez la porte de cette salle d’eau.