alain rouschmeyer | artiste peintre contemporain

View Original

Onze heures onze

Onze heures onze… 11+11…le trouble d’une heure miroir. Vous avez sans doute déjà vécu ce moment étrange où en pointant son regard sur l’horloge, vous découvrez une heure miroir. Dans le même registre 22 h 22,  4 h 44,  5 h 55 … 

Selon l’horloge,  si celle-ci est digitale,  on a la sensation d’être en face d’une machine à sous d’un casino et d’avoir obtenu une combinaison gagnante. Quand on fait une recherche sur ce sujet les explications sont diverses et variées allant d’une communication codée des anges à la numérologie la plus contradictoire selon le site qui tentera de vous en expliquer la signification. 

Néanmoins le sujet reste troublant,  car il m’est déjà arrivé de connaitre une succession de ces heures miroirs en un temps très court,  passant de 22h22 à 3h33 puis 5h55 et 16h16. Pour certains c’est une coïncidence sans compromis,  pour d’autres c’est une source d’inquiétude et d’autres encore une merveilleuse opportunité d’y intégrer un sens bénéfique. Et pour vous ? ça vous inspire quoi ? 

De nombreux artistes musiciens ont déjà fait allusion au travers de leurs titres de ces chiffres miroirs. Ainsi Charlotte Gainsbourg avec son album 5:55 ou encore le groupe de jazz contemporain onze heures onze. Le groupe « Les aphrodite’s child » avait initié un double album mythique avec 666 en 1972. 

De manière récurrente,  il m’apparait ce type de combinaisons qui prennent une dimension plus interrogatives quand elles se manifestent durant les nuits et que l’atmosphère obscur d’un espace apporte une dimension encore plus magistrale. 

Récemment lors d’un déplacement en train, l’arrivée progressive en gare laissait découvrir en défilement les personnes en attente sur le quai. Le train s’arrêta à hauteur d’un groupe de quatre personnes,  composé de deux générations différentes et d’un chien. Leurs postures ne laissaient aucun doute sur leurs présences ici. Le couple plus âgé avait pris place sur le banc du quai et le couple plus jeune se tenait côte à côte debout devant eux. 

La dame au premier plan tenait en laisse un petit chien au poils ondulants et d’une couleur similaire à sa robe. L’horloge du quai indiquait onze heures onze. Les expressions de leurs visages,  tous orientés dans la même direction, semblaient marquer une certaine anxiété. Seul le chien portait une attention dans la direction opposée. 

Existait-il un lien entre l’horloge, leurs postures et cet espace bitumineux et métallique. On percevait avec précision toute l’incertitude qui marquait leurs regards et leurs gestes,  comme s’ils étaient venus là à la rencontre de quelqu’un sans la moindre conviction de son arrivée. Ce quai plutôt désuet donnait le sentiment d’être dans un décors reconstitué d’un vieux film américain des années 30. 

Les ombres projetées se posaient au sol comme dans un théâtre de carton. L’attendu sera-t-il à l’heure ? La dimension largement dépouillée de cette scène rappelait étrangement le film d’Hitchcock « La mort aux trousses » quand Cary Grant se retrouve en rase campagne à « Prairie Stop ». La situation de ce bord de quai mettait en scène quatre personnes,  chacune avec sa propre interrogation,  comme quatre Cary Grant,  comme onze heures onze,  11,  11 ,  comme 4 fois 1. Cette posture étrange impliquée à ce décors m’invitait à croquer en quelques minutes l’ambiance décalée qui se déroulait durant cette courte halte. 

Assis derrière ma vitre de compartiment,  ma position m’offrait ce recul et cette hauteur qui permettait d’observer avec discrétion l’attitude de ce groupe dont on imaginait sans difficultés la perspective visuelle qu’ils pouvaient avoir. Le train se remit en route,  laissant ainsi la situation sans réponse avec une issue que chacun de nous peut imaginer à sa convenance. Ce court moment, apporta le temps de cet arrêt un étrange questionnement sur la posture , l’usage et le temps. Le croquis effectué se transforma en peinture et je vous invite à découvrir cette oeuvre en cliquant ici.